Miami Islet

Depuis Leben en 1974 jusqu’au Monument contre le fascisme (1986-93) et Monument contre le racisme (1993), et même Miami Islet (1998-1999), beaucoup de vos œuvres s’inscrivent dans un processus où la trace, le signe disparaît, voir est impossible. Il me semble qu’il ne s’agit pas tant d’un effacement de la trace que du fait que cette trace « s’abîme » (y compris au sens propre) dans le réel. Les pas des visiteurs réduisent en poussière les mots écrits à la craie sur le plancher ; la stèle de Hambourg s’est enfoncée dans le sol au fur et à mesure qu’elle se couvrait d’inscriptions ; la face gravée des pavés de Saarbrück est tournée dans le sol ; entièrement plongée dans le noir, la salle pour Miami Islet n’a permis que des images photographiques fantomatiques. Cela signifie-t-il que nous sommes complètement pris au piège du réel, que l’art ne peut pas, ne peut plus être une échappatoire, ni une forme de transcendance profane ? En même temps, et contradictoirement, ce qui est caché ne peut-il pas, par définition, devenir sacré ?

Catherine Millet 2004

Located between artistic performance and aggressive act, both works consciously reject the question of meaning. Smithson explicitly argued against the notion that an artwork had to serve an idea or make “sense”: “The island is not meant to save anything or anybody but to reveal things as they are.” Artworks are not meant to be somehow filled with meaning. Rather, they show things as they are. Artworks are not ideological bearers of meaning but rather serve to render states of being visible... Such authorship leads to a situation in which the effect of thought processes on the actors is usually more important than the materialization of the artwork and its sculptural presence. Paradoxically, the hard bottle resembles a fragile butterfly whose gentle fluttering grazes our sense of “I.” Because the representation of reality cannot be registered visually, the gaze turns inwards. Everything can pursue its right to contemporaneity: the lived, the loved, the imagined, the sensed, the remembered. The splintered glass scratches a new track in the expanses of memory.

Paolo Bianchi 2016